Avant les grandes vacances, j'ai arrêté de vous narrer mon odyssée radiophonique alors que je quittais le navire 'RTL'.
Je vais à présent poursuivre sur un nouveau bateau que j'ai également pas mal abimé : le "Europe 1"
C'est justement pendant la période de grandes vacances 1975 que je me retrouve pour la première fois sans boulot, et désireux de poursuivre dans un métier où les places sont chères. C'est le moment de vérifier si j'ai une valeur marchande.
Je prends mon courage à deux mains et j’appelle Europe 1.
Je n’y connais personne, mais demande le Directeur !
Celui-ci est en séminaire, on me passe son adjoint :
Jacques David.
Quelle surprise ! Ce Monsieur était un ancien ami commun de
Jean Bardin et de mon père, au début des années soixante.
Il était, à l’époque responsable de la publicité à Europe 1. Mais ils se sont
perdus de vue depuis longtemps. Moi je me souviens très bien de son nom, et
pour cause : «Jacques David d’Europe 1», ça ne s’oublie pas lorsqu’on a
douze ans et qu’on rêve de faire de la radio !
Aussi drôle que cela puisse paraître, lui aussi se souvient
de cet étonnant gamin qui jouait à la radio dans sa chambre. Et ainsi s’engage le dialogue :
Lui – Ah! C’est drôle te t’avoir au téléphone. Qu’est ce que tu deviens ?
Moi – Ben justement, j’ai réalisé mon rêve et je suis
rentré à RTL.
Lui – C’est super. Ca me ferait plaisir qu’on déjeune un
midi ensemble. On parlerait de tout ça ?
Moi – Après quatre ans de bons et loyaux
services, j’en suis parti et j’aimerais entrer à Europe comme
réalisateur !
Croyez-moi si vous voulez, mais il s’est subitement rappelé
qu’il était surchargé de boulot et m’a demandé de le recontacter dans une dizaine de jours.
Ce que je n’ai pas manqué de faire, dès la date d’échéance
atteinte, mais il était en réunion ! Je l’ai à nouveau recontacté et j’ai fini par lui parler.
JD – J’aurais peut
être quelque chose pour toi dans un mois, début juillet, pendant la période des
vacances, mais je ne peux rien te promettre. Ne m’appelle pas, c’est moi qui te
recontacterai.
Plus d’un mois plus tard, n’ayant aucune nouvelle je me
risque à le rappeler.
LD – J’allais justement t’appeler. Tu peux venir demain, il
faut que l’on se rencontre ?
Notre rendez-vous s’est très bien passé. Il m’a demandé ce
que je savais faire, quelles étaient mes ambitions, et m’a proposé de faire un
essai samedi après-midi, sur une émission de trois heures.
J’ai eu bon et j’y suis resté un an !
On prend le même et on recommence.
Je réalise ma deuxième émission un samedi, pendant la
tranche horaire 19h/22h.
De 19h à 19h30, c’est très cool, je n’ai qu’à surveiller le
journal Europe soir, et gérer les passages publicitaires.
Je pénètre dans la cabine technique, timidement, comme tous
les bizuts.
Le journal vient de commencer. Je salue le technicien et l’assistant de rédaction et
je m’installe. Je pose ma petite valise sous le banc de lecteur de cassettes.
Elle contient toutes les cassettes
correspondant aux publicités que nous passerons. Chaque cassette est étiquetée
au nom de l’annonceur avec la durée du message préenregistré.
Il suffit charger la cassette par la fente du lecteur et
d’appuyer le petit bouton noir pour la
diffuser à l’antenne. L’autre bouton, plus gros, sert pour la pré-écoute. La
cassette ne s’entend alors que dans le haut-parleur du studio.
Le journal est entrecoupé d’écrans publicitaires contenant
quatre messages.
On commence et on finit généralement ces écrans par un jingle Europe1.
Alors que le journaliste reprend le cours de son journal, je
remplace dans les lecteurs les cassettes diffusées par les prochaines prévues.
Le journal touche à sa fin et je vais bientôt enchaîner sur
l’émission de début de soirée.
Je finirai le journal par un jingle station, puis j’enverrai
le premier disque.
Ne connaissant pas encore les différents jingles
Europe1, j’en charge quatre dans les
lecteurs pour les pré-écouter afin de sélectionner celui qui me semblera le
plus approprié pour faire la transition. Malheureusement j’appuie sur le
mauvais bouton et en plein commentaire du journaliste en direct, on entend sur
sa voix : « Euuurroooope1111 »
C’est un vrai professionnel, lui.
Il est resté imperturbable.
On aurait presque pu croire que personne ne s’était aperçu
de cette « coquille », si le chef d’antenne n’avait fait irruption
dans la cabine.
Il me dit être obligé de faire un rapport.
Le pauvre ne sait pas encore qu’il pourra bientôt les relier
en vingt volumes !
La semaine suivante, je vois sur mon conducteur (papier A4 sur lequel est tapé à la machine à écrire le déroulement chronologique de l'émission avec le titre et l'heure de diffusion de chaque publicité et chaque disque), que quatre pubs sont prévues à 19h10.
J’attrape machinalement les quatre suivantes de ma valise, dont le contenu est
toujours soigneusement vérifié par le service publicité.
C’est le
«machinalement» qui provoque bien souvent la faute professionnelle !
C’est
vrai, j’aurais dû lire des étiquettes des cassettes et les comparer à mon
conducteur. Quelqu’un avait oublié une pub, et l’ensemble était donc décalé.
Résultat j’ai passé dans le même écran un pub pour Renault suivie d’une pub
pour Ford !
Nous avons eu le droit à une nouvelle irruption de chef
d’antenne.