vendredi 25 janvier 2013

On m'a fêté le 1er mai



Nous sommes en 1972. Georges De Caunes, journaliste, grand reporter et personnage mythique (pionnier de la télévision) fait son grand retour à RTL.

On crée pour lui « Couplé gagnant », une émission quotidienne de fin d’après-midi. Chaque jour, durant une heure, il appelle une dizaine de personnes de la même profession et puis les fait parler un peu de leur métier. Ensuite, il leur fait choisir une chanson et la leur dédicace.
Evidemment, la profession choisie est différente chaque jour.
Comme Georges De Caunes habite la campagne, il ne vient au studio qu'une fois par semaine et y enregistre cinq émissions d’un coup. Ce jour-là je repars avec ces cinq bandes que j’aurai à monter pour qu’elles soient diffusées au cours de la semaine.
Je prends la première bande, j’isole la première intervention, que je place sur un noyau 1. Puis je reprends la bande principale et j’en extrais l’intervention 2 que je place sur une noyau 2 et ainsi de suite. Soit dix bobinos par émission. Ensuite je réécoute chaque bobino et je nettoie. J’enlève toutes les hésitations, les bafouillis, les redites. Puis j’empale les dix bobinos concernant la même profession sur une tige métallique avec un socle en bois à la base, que l’on appelle : une Bite. J’ai,  à la fin de mon travail : cinq bites pour cinq jours d’émission.
Tous les matins, Pierre Laforêt, le réalisateur, m’annonce la profession qui sera diffusée le soir, et je lui  remets la bite correspondante.
Il ne lui reste plus qu’à faire sortir de la discothèque les chansons demandées par les intervenants.
Le soir, en studio, Georges De Caunes dira « Bonjour ….. » sur le premier bobino. Il interviewera la première personne, lui fera choisir une chanson et hop, le disque partira. On enlèvera le premier bobino et on passera au suivant. Et les auditeurs penseront que Georges est en direct.
Ils le penseront jusqu’au jour où …

Un matin, Pierre Laforêt m’apostrophe :

PL – Vous savez que vous avez fait une grosse erreur hier ?
Moi – Ah bon ?
PL – Dans le quatrième coup de fil, De Caunes dit au restaurateur : « Vous travaillez beaucoup ? » et le restaurateur répond : « Oh oui, énormément, on prépare le 1er mai »
Moi – Et ?
PL – Et hier, nous étions le 13 !!
Moi – Oh merde !  - Je ne comprends pas – Je suis désolé !
PL – Bon, mon vieux, faites gaffe. Réécoutez vos bandes avant la diffusion Nom de Dieu.
Moi – Oui, oui, Pierre. Excusez-moi encore.

Le lendemain.
Georges De Caunes  -  Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs, ce soir nous jouons à couplé gagnant avec nos amis parfumeurs.
Bonjour Madame, ça marche la parfumerie ?
Elle – Oh oui, j’ai justement un Monsieur qui choisit en ce moment du parfum.
GD – Ah les hommes viennent acheter du parfum ?
Elle – Bah  oui,  après-demain c’est le 1er mai, et les gens n’achètent pas que du muguet …. 

Je suis donc à nouveau au garde à vous le lendemain matin.

Pierre Laforêt – Vous êtes un fou mon vieux, il faut vous faire soigner !
Moi – Pierre, je ne comprends rien, j’avais tout réécouté, comme vous me l‘aviez recommandé !
PL – C’est bien ce que je dis, vous êtes fou, vous n’avez plus votre tête.  Qu’est-ce que je vais faire de vous ? Je peux vous faire virer pour faute professionnelle !
Moi – Je suis vraiment désolé, je ne sais pas quoi vous dire.
PL – Bon, c’est la dernière fois. Deux fois de suite, c’est beaucoup trop !

Trois jours plus tard.

Georges De Caunes – Chers Amis bonsoir, ce soir nous sommes avec les fleuristes. Je prends le premier. Allô, Bonjour, ça va ?
Le fleuriste – Oh oui, c’est une grosse journée pour nous car demain c’est le 1er Mai

Le lendemain matin.
Pierre Laforêt est très calme. C’est souvent le cas, juste avant la dépression nerveuse.
PL – Dites-moi ce que je devrais vous dire.
Moi – Pierre, vous avez raison, ma situation est indéfendable.

La vérité est que pendant l’écoute de 60 minutes que duraient ces 10 bobinos, je devais avoir une absence de concentration de 10 secondes, mais fatale.
J’étais dans la lune et j’ai failli être obligé d’y rester pour y trouver du travail !

1 commentaire:

  1. 10 secondes toujours sur le même thème, je serais curieux de savoir ce qu'en dirait Freud. ..

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