Gaston, c’est un des piliers de la station. Il y travaille
depuis si longtemps qu‘il serait indécent de lui demander en quelle année il y est entré. C’est un
personnage ! Physiquement, il ressemble un peu à Raymond Devos.
Il règne sans partage sur une caverne d’Ali Baba qui occupe
le sous-sol du bâtiment : le magasin. Je le surnomme « Le Père Noël».
C’est chez lui que sont stockés les studios en pièces détachées, les Nagras,
les bandes magnétiques, les micros, bref tout ce qui est nécessaire pour faire
de la radio. Finalement, le mot magasin me semble bien résumer son
magasin.
C’est une forte tête, un fort en gueule mais c’est aussi un
garçon charmant (Quand on le connaît). Il vaut mieux être dans ses bons papiers
car on a souvent besoin de lui.
Bien que l’endroit semble bien achalandé, à chaque fois que
quelqu’un lui demande quelque chose, il répond invariablement : «Y’en n’a plus ! ». Et ça depuis
toujours !
La première année que j’ai eu à le côtoyer régulièrement a
été assez fatigante pour moi. J’avais les cheveux longs, comme tous les jeunes
de ma génération, et une fois qu’il m’avait enfin donné ce que j’étais venu
chercher, après avoir patiemment attendu qu’il trouve ce que soit-disant, «y'en
avait plus », il me coursait dans son magasin, une paire de ciseaux à la
main pour me couper les cheveux.
Ah ! sacré
Gaston !
Un jour j’ai un rendez-vous très important avec Claude
François. Cela fait déjà un bout de
temps qu’on essaye de se mettre d’accord sur une date car son emploi du temps
est très chargé.
Je descends voir Gaston et lui demande un Nagra.
Moi – Allez Gaston, sois sérieux, je suis hyper
pressé ! »
Lui – Je te dis qu’y en a plus ! Y sont tous partis en
reportage !
Moi – Et ça qu’est ce que c’est ?
Lui – Celui-là il peut pas sortir d’ici, il n’a pas encore
été dédouané.
Moi – Allez Gaston, sois sympa, j’ai rendez-vous avec Clo
Clo, je te le ramène dans deux heures.
Lui – Bon, OK, dans deux heures.
Et me voilà quelque instants plus tard dans le bureau de
Claude, boulevard Exelmans. Je fais un super reportage. Je parviens à
l’ accoucher de confidences rarissimes. Il m’avoue qu’il n’aime pas
tellement ce qu’il chante et qu’il préfèrerait
chanter du Brel !!
Moi – Tu vois mon vieux, j’ai tenu parole. Des gens comme
moi « y’en n’a plus ! »
Lui – C’est ça, c’est ça !
Puis je rentre chez moi. Il est, à peu près, dix neuf heures.
Soudain, effroi, je réalise que j’ai laissé la bande sur le
Nagra !
J’appelle immédiatement Gaston, en priant pour qu’il soit
encore là.
Gaston – Y’en n’a plus – Le Nagra il est reparti, et j’ai
bien vu la bande dessus, mais j’ai cru que t’en avais pas besoin.
Moi – Merde ! C’est pas possible !
Gaston – ça mon vieux, c’est ton problème !
Je vous laisse imaginer la soirée et la nuit que j’ai
passées.
Le lendemain, je cours le voir au Magasin, histoire de lui
pleurer dans le gilet.
Ma bande était sur son bureau.
Sacré Gaston !
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