Un jour, pour des raisons politiques de
décentralisation, RTL décide de faire toutes les émissions pendant une semaine, depuis
Lyon. Il faut rappeler que la mode avait été lancée par Valéry Giscard
D’Estaing qui présidait parfois son Conseil des
Ministres en Province pour la revaloriser.
Evidemment, je poursuis mes recherches de personnages
pittoresques au pays de Paul Bocuse, que je ne manque pas d’aller
pré-interviewer pour qu’il nous parle de sa collection légendaire de
limonaires.
Nous restons à l’affût du moindre événement
«pittoresque», jour et nuit.
Aussi un soir, en me
promenant, je découvre sur les bords de la Saône un petit pub, style club
anglais, «Eddie et Domino». Eddie le patron est la classe personnifiée. Vous
êtes seul à son bar, vous semblez vous ennuyer, il vous propose un poker
menteur aux dés.
Vous revenez le lendemain en compagnie d’une jeune femme, il
reste en retrait.
Vous revenez le surlendemain en compagnie d’une autre jeune
femme, il fait comme s’il ne vous connaissait pas.
La particularité de cet endroit est la collection d’Eddie.
Il possède plus de trois cents whiskies différents. Il serait ravi d’initier
Michel à l’art de la dégustation. Le
pauvre ignore que Michel ne boit que de l’eau !
Ce n’est pas grave. Pour l’heure, je commence mon repérage.
Je suis en "mission" : je l’interroge sur sa collection et sur
la façon dont on doit déguster ces alcools précieux. Il pose devant moi deux verres. Un grand et
large, bref un verre à whisky, et un petit genre verre à porto. Et il
m’explique.
Le grand c’est pour l’eau. La Volvic est celle qui se
rapproche le plus de celle de l ‘Ecosse. L’eau sert à se désaltérer et à
se rincer la bouche entre les différentes dégustations. Le whisky se boit dans
un petit verre.
Goûtez celui-là me dit-il,
c’est « blinded » de 9 ans d’âge. Laissez-le quelques secondes
sur votre langue avant de l’avaler.
Vous l’avez bien en bouche. Prenez un peu d’eau et goûtez à
présent celui-ci, c’est un single Malt de 15 ans d’âge. Vous voyez la différence ? Bon, on
continue … »
Au bout de deux heures, lorsque je descends du tabouret, je
crois m’enfoncer dans la neige !
J’ai pris la plus belle cuite de ma vie. Je ne me rappelle
plus comment j’ai rejoint ma chambre d’hôtel, mais je n’étais pas frais le
lendemain à la réunion de rédaction.
Par ailleurs, Lyon vient d’inaugurer une piste de ski
artificielle. Aussi nous la faisons dévaler en direct à Michel, en compagnie de
l’ex-Championne du Monde, la française Ingrid Lafforgue.
De retour à Paris, je gamberge pour trouver des idées un peu
originales.
En voici une dont je suis assez fier !
Je propose au rédacteur en chef de faire éteindre un
incendie par Michel avec les pompiers, en direct, et de préférence en haut de la
grande échelle. L’idée est accueillie par tout le monde avec enthousiasme.
En fait, mes idées sont plutôt télégéniques, mais l’émotion
passe bien à travers le micro. J’organise l’opération avec la caserne de la
porte de Champerret. Les pompiers de cette caserne ont à présent pour mission de
trouver un endroit sûr pour y mettre le feu sans danger, pendant que je me bats
avec l’administration pour obtenir les autorisations. C’est amusant de
transformer des pompiers en pyromanes. Après plus de quinze jours de
tractations officielles, nous obtenons le feu vert. (si j’ose parler ainsi)
Leur choix se porte sur une maison abandonnée dans un
terrain vague quelque part à Belleville.
Michel est dans la caserne. L’alerte retentit ! Nous sautons dans le camion pompe et :
« PIN PON, PIN PON » nous voilà partis. Nous réussissons l’exploit de parcourir
porte de Champerret - Belleville pendant la durée d’une chanson !
Michel saute du camion, monte avec un
pompier sur la grande échelle et on commence à la déployer. Il commente son ascension en direct.
Quarante mètres plus haut, Michel conclut le reportage, mais mauvaise nouvelle
pour lui, il doit tout redescendre à pied, à cause des tuyaux que l’on doit
rembobiner en premier et il n’a pas le temps d’attendre.
Je propose deux autres idées :
1/ Faire l’interview de Léon Zitrone, Monsieur Tiercé à la
télévision, à cheval.
2/ Interviewer Raymond Poulidor à vélo, sur la piste en plein air sur laquelle
se termine jusqu’en 1974, le tour de France : la Cipale de Vincennes.
Poulidor n’étant pas libre, nous prenons Jacques Anquetil. (moins populaire mais bien plus
prestigieux à mes yeux).
Zitrone refuse la proposition car il a peur des
chevaux !
Michel propose alors de faire une pierre deux coups et de
mettre Zitrone aussi sur un vélo, à la Cipale.
Ah ! Si Michel acceptait de coucher sur papier toutes les
anecdotes qu’il nous raconte sur le "gros" Léon, il ferait un best–seller !
Et ce n’est pas fini !
Moi je n’en connais que deux (mais bientôt trois)
En voici une. Léon klaxonnait dans sa voiture garée devant
RTL. Quelqu’un qui stationnait en double file le bloquait.
Quand le type est arrivé et s’est excusé, Zitrone s’est
écrié :
« Monsieur, dorénavant je ne vous compterai plus parmi
mes auditeurs ! »
La deuxième : alors qu’il était pressé et qu’il sortait
des Galeries Lafayette avec ses emplettes de Noël, une dame le désignant du
doigt dit à son petit garçon : « Regarde : C’est Léon
Zitrone ! ». Léon
répondit :
-
Madame, je suis pressé ! Je vous interdis
de me reconnaître !
Moi j’ai assisté à une scène haut en couleur :
Un petit matin, Léon Zitrone présente le journal. Il fait un
chapeau (introduction pour lancer un sujet), fait signe au technicien de lancer
le magnéto, puis s’enfourne une énorme bouchée de sandwich au saucisson. Manque
de bol, vingt secondes plus tard la bande se casse et le technicien rouvre en
catastrophe le micro. Il recrache aussitôt dans sa main tout ce qui pourrait ruiner sa diction
légendaire. Il lance le reportage suivant, et remet dans la bouche le contenu
de sa main !
Heureusement, ce n’était pas le journal télévisé !
Pour en revenir à l’émission «RTL c’est vous !», je
contacte donc Léon Zitrone de la part de Michel.
Au téléphone déjà, il est impressionnant.
Je vais le chercher en taxi, chez lui, place Clichy.
Léon Zitrone au Taxi – Vous passez par où Monsieur ?
Le taxi – Bah! tout droit jusqu’à…
LZ – NON MONSIEUR ! Vous prenez la troisième à gauche.
J’étais taxi pendant la guerre. Ensuite vous prendrez la troisième à droite.
J’essaye de détendre l’atmosphère. Je lui pose timidement
une question sur Eddy Merckx.
LZ – COMMENT ? s’exclame-t-il, comme si j’avais dit une
horreur, alors qu’il n’avait simplement pas entendu la question.
Je me répète un peu plus fort, avec encore moins
d’assurance. Il fait très peur. Je me dis qu’il doit parler avec le ventre
tellement sa voix est puissante.
Soudain il me déclare qu’il est hors de question qu’il monte
sur un vélo. Je lui fais part de ma surprise, pensant qu’il avait accepté le
concept. Il me dit de ne pas m’inquiéter.
Enfin nous arrivons à la Cipale.
Jacques Anquetil est en train d’extraire son vélo du coffre de
sa voiture.
Ils ont l’air heureux de se revoir.
Puis arrive le représentant de la marque de cycle qui va
prêter les vélos pour Drucker et Zitrone.
Nous sommes bientôt rejoints par quelques autres personnes,
et nous pénétrons dans l’enceinte du vélodrome. J’imagine que Jacques Anquetil,
quintuple vainqueur du Tour de France,
doit intérieurement encore entendre la foule l’acclamer. A présent Jacques enfourche son vélo. Léon
essaye de l’imiter. Le représentant de cycles passe derrière lui et essaye de
le pousser. Clic-Clac ! Un photographe immortalise la scène, et c’est le
drame !
Zitrone rentre dans une colère noire et descend de son vélo
en hurlant.
- Si je vois cette photo publiée dans un journal, avec la
photo de Monsieur et son tee-shirt publicitaire derrière en train de me
pousser, je vous colle un procès !
A ce moment le klaxon italien 3 tons de la voiture RTL
retentit. Je demande à Léon de m’attendre ici une minute, le temps pour moi
d’aller chercher Michel.
Quelques instants plus tard, nous revenons, Michel et moi, et
voyons un attroupement dans le virage de gauche. Léon n’est plus sur le gazon
central. Je me renseigne auprès d’une personne que nous croisons. Il serait au
centre de l’attroupement !
Je cours vers la foule et trouve Léon assis par terre.
Moi – Que se passe-t-il ?
Lui – oooooh, ooooooh, je me suis cassé le pouce
Moi - ??????
La Cipale est une
piste ovale, constituée de deux lignes droites opposées raccordées par deux
grands virages relevés. Certains vélodromes conservent sur la totalité du
périmètre intérieur de leur piste, une petite partie étroite et plate.
Evidemment, elle n’a d’intérêt que dans les virages relevés car elle permet à un
cycliste de faire tranquillement le tour complet sur du plat, évitant ainsi de monter dans les
virages. Cette petite bande de roulement s’appelle la côte d’azur.
(voir la partie bleue sur la photo ci-dessous)
Mais à cette époque, la Cipale n’avait pas de côte d’azur !
Léon a voulu faire un tour tout seul pour s’entraîner. En
arrivant dans le virage relevé, il ne roulait pas assez vite. Aussi, par manque
de force centrifuge, a-t-il confirmé la théorie de Newton. Il s’est écrasé au
bas du virage.
Michel et Anquetil arrivent en courant, vélos et micros en
main.
Michel – Léon faut y aller !
Zitrone, malgré son pouce qui a doublé de volume, enfourche
sa machine et les voilà partis tous les trois, pour cette séquence de cinq
minutes de direct.
A peine l’intervention est-elle terminée que Michel part en
courant, me laissant sur les bras le grand blessé.
Je soutiens Léon jusqu’au cabanon du soigneur de la Cipale.
Le grand sorcier qui a massé tant de champions commence à faire pénétrer
lentement le baume dans le pouce du
grand journaliste. Lorsque le kiné lui déplace légèrement l’articulation, Léon
pousse un cri tellement énorme que dans cet endroit si exiguë, (imaginez une
cabine de plage en bois) ses rugissements de bête blessée ne vont pas tarder à avoir raison de mon self contrôle. Je suis au bord de l'hilarité. Je me mords les lèvres.
Je ramène finalement Léon chez lui.
Au moment de quitter le taxi il me dit :
« J’espère qu’ils sont bien assurés à RTL, car ça va
leur coûter très cher ! »