Depuis un an je travaille sur une émission hebdomadaire
présentée par André Torrent : « Hit magazine spécial RTL» dont j’ai
déjà parlé dans le chapitre I.
Je suis un radio-reporter au service des «variétés».
Je suis en permanence sur le terrain, interviewant tous les
chanteurs de l’époque pour diverses rubriques de l’émission.
Je suis d’ailleurs à l’origine des deux d’entre elles :
Le tube de
souvenirs :
On a tous une chanson qui est rattachée à un événement
particulier de notre vie, (ou l’inverse)
c’est ce que je fais raconter, chaque semaine, à un chanteur différent. Cela
nous permet de programmer cet ancien «tube» derrière.
L’autre rubrique n’a pas de nom. J’emmène chaque semaine un
chanteur avec moi au cinéma, et il me fait la critique du film à la sortie de
la salle.
C’est-y pas sympa comme métier ?
Je garde un très bon souvenir de la projection du film de
Claude Lelouch : « La
bonne année » que j’ai vu au cinéma Le Normandie, sur les Champs-Elysées,
en compagnie de mon invité de luxe Michel Delpech.
Mais j’ai fait plus spectaculaire.
Le magazine papier du même nom que l’émission décide faire
monter un «coup» avec un jeune chanteur «à minette» d’origine corse : Don
Marcantoni, dont le hobby est la cascade. Plus personne ne
se souvient de cet artiste, même pas moi. Il a dû faire un disque et a disparu
aussi vite qu’il était apparu mais au moins ce chanteur cascadeur n’a pas dû se
faire mal en tombant du haut de sa pile d’invendus !
Ils veulent le photographier pendant qu’il exécute une
cascade. RTL produisant la déclinaison
radio de ce journal, m’envoie sur place pour commenter l’événement.
Don Marcantoni va monter sur l’aile d’un avion en plein
ciel.
Me voici donc foulant le gazon de l’aéroclub de La Ferté
Allais, en Seine-et-Marne.
Mon Nagra et moi sommes les premiers sur les lieux. Je suis
en train d’admirer un énorme quadri hélices, qui devait être un ancien avion de
ligne. Je continue ma promenade et
retrouve Jacques Dubourg, un sympathique parachutiste,
qui a déjà travaillé sur des opérations spéciales avec RTL, en train de plier
sa toile. Nous bavardons quelques minutes et sommes rejoints par un petit
groupe formé d’un photographe, d’un journaliste, d’un pilote, d’un producteur
et du fameux chanteur-cascadeur. Nous retournons dans l’enceinte de l’aéroclub
boire un café. Don Marcantoni se met torse nu et son producteur lui chauffe les
muscles du torse en le massant avec un baume.
Nous sommes tous prêts et repartons sur le terrain. Après
avoir dépassé le gros avion, nous
découvrons un vieux coucou en toile très marrant. C’est un biplan sur trois
roues. Deux sous le ventre et une sous la queue. Cette position l’oblige à
avoir toujours le nez en l’air. C’est amusant.
JD – Mais c’est celui-là !
Et Il me montre le coucou ?
Moi -
Quoi ?? !! – Ca vole
ça ?
JD (en riant) - Mais évidemment : Et bien, même. C’est
un Dragon de 1933 !
Moi – Mais pourquoi vous êtes le seul à avoir un
parachute ?
Nous montons dans l’appareil.
Jacques Dubourg prend place à côté du pilote. Je m’assoie au
milieu de l’appareil sur un banc situé le long de la carlingue.
Nous sommes perpendiculaires au pilote. La fesse tribord
plus haute que celle de babord. On doit se tenir au banc pour ne pas glisser
jusque dans la queue de l’appareil.
Don Marcantoni et son producteur s’asseyent de part de
d’autre de moi.
Le photographe et le journaliste s’installent sur l’autre
banc, face à nous.
Le pilote fait signe à une personne extérieure de lancer
l’hélice. Et c’est parti, pour le meilleur et pour le pire. Je commence mon
reportage. Je décris l’intérieur du «Shaker» en hurlant dans mon micro pour
couvrir le vacarme. Ca y est, miracle, on décolle.
Arrivé à l’altitude prévue, le pilote stabilise l’assiette
de l’avion et Don Marcantoni enfile un parachute. Il est vêtu d’une veste de
Jean, sur un col roulé jaune et d’un pantalon en jean également. Le pilote nous
donne le feu vert. Jacques Dubourg ouvre la porte située en face de moi. Il
aide le chanteur à descendre sur l’aile. Le photographe se rapproche et
commence à shooter.
A présent, Don Marcantoni se tient à la barre qui relie les deux ailes du biplan. Il a les
genoux pliés comme un skieur.
Moi (dans mon micro) – Et voilà, Don Marcantoni, grâce à la
force de ses bras, lutte contre la résistance qui l’oppose à l’air que nous
traversons à plus de 180 km/heure. C’est fantastique !
La cascade terminée, nous retournons gentiment tous nous
asseoir et il est grand temps car l’avion commence à traverser des turbulences.
Je lance une boutade à la cantonade pour
faire rire la galerie, mais en vérité j’essaie de masquer la trouille qui
commence à m’envahir !
J’ai l’estomac qui remonte dans chaque trou d’air, de plus
en plus rapproché. Et toujours ce bruit inquiétant de carlingue qui semble se
déglinguer. Je sens la nausée monter. Je dois avoir changé de couleur parce que
Jacques Dubourg, l’air goguenard, me
crie
JD – Alors, c’est fini le reportage ? On t’entend
plus ?
A peine a-t-il fini sa phrase que je me lève d’un bond, et
debout, la tête penchée dans l’encadrement de la fenêtre restée ouverte, je renvoie tout mon quatre heures. Mes
lunettes sont aspirées et disparaissent dans le cosmos, alors Jacques me
retient inextrémis par la ceinture de mon pantalon.
JD – Malheureux, il ne faut jamais se pencher par la fenêtre
et être dans le sens perpendiculaire du vol. Tu provoques un appel d’air.
Au moment de me rasseoir à ma place, je croise le cascadeur
qui, précipitamment, vient lui aussi me remplacer à la fenêtre, pour la même
chose.
Nous sommes les deux seuls malades de l’équipe.
Le coucou bat de plus en plus de l’aile et le pilote nous
annonce qu’il va se poser rapidement sur l’aéroclub qu’il a en point de mire,
car l’avion a un petit problème technique, sans gravité !
Le Dragon pose enfin ses roulettes sur la terre ferme.
Finalement le pilote négocie avec La Ferté Allais, pour
qu’ils nous envoient un autre avion pour nous rapatrier. Ce sera un avion plus petit et il nous ramènera en
deux fois, mais nous nous en sortirons sains et saufs !
La radio, quel métier dangereux !
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