vendredi 18 octobre 2013

Réveil en musette



En fait, on m’a enlevé Hubert le samedi soir car on m’a demandé d’assurer le dimanche matin de 6h30 à 9h30.
Présenté par le journaliste André Dumas, l’émission est composée de petites rubriques diverses et variées, toutes pré-enregistrées, que je dois diffuser à des heures précises entre les pubs et les disques. Nous avons  : Nicolas qui nous parle de jardinage, Mme Soleil de l’horoscope,  Albert Simon de ses prévisions météo, Ben de chevaux avec ses « préférés» pour les courses de toute la journée,  Fernand Choisel de sport, et même André Dumas lui-même à propos de bancs d’essais automobiles.
C’est, à part l’horaire pour moi qui ne suis pas du tout du matin, une émission très agréable à réaliser. L’ambiance du matin est sympa et à cette heure-ci la maison est calme. 

Un mois plus tard, on me rajoute une demi-heure supplémentaire, mais pas celle qui vient après ma tranche horaire, non, l’autre : celle qui me fait commencer à 5’58 du matin, avec l’indicatif  d’ouverture de la station !!
Je sens tout de suite que je vais être très performant à ces heures-là !
Puis on enchaîne  directement sur les infos de 6h, à la suite de quoi, nous avons pour nous permettre de nous réveiller de bonne humeur, une demi-heure de Musette, grâce à l’émission du célèbre accordéoniste, plusieurs fois millionnaire du disque André Verchuren.  Mais lui écume les bals le samedi soir dans toute la France profonde et l’heure de diffusion de son émission est probablement celle à laquelle il se couche.

 

Je l’enregistre donc une fois par semaine et fais le montage de la bande, en plaçant entre chaque annonce et chaque désannonce des morceaux des plages d’amorce blanche nous permettant d’envoyer le disque en direct.

Cela donne ceci :

Indicatif. 

Magnéto :
- Chers amis, Bonjour ! C’est André Verchuren qui vous parle,  et vous réveille en musique.  On commence tout de suite avec un classique : Perles de cristal.

Et hop!  on arrête le magnéto et on envoie la platine n° 1 sur laquelle est repéré Perle de cristal. 

Pendant ce temps, je fais dérouler la bande jusqu’à la fin de l’amorce blanche pour récupérer dès la fin du morceau :
« C‘était Perle de cristal, et maintenant je vous propose une petite ballade à Bicyclette.»

Et ainsi de suite.

Ca c’est la théorie.

Maintenant la pratique  :
Je mets les disques dans l’ordre sur les platines de 1 à 3.
En mode pré-écoute, je pose le bras sur la platine, dès que le morceau commence je stoppe le plateau et le fais tourner d’un poil à contre sens pour que le diamant soit bien sur le début.  Un peu comme le font les DJ pour le scratch, dans les boites de nuit. Ensuite, j’arme la platine pour permettre au technicien de la démarrer depuis sa console.

Oui mais voilà, à cette heure-ci, j’ai parfois des bogues (oui, je sais, il n’y a pas qu’à cette heure-ci) et j’oublie d’armer une platine.

Le résultat donne:

A Verchuren  -  C’était A Paris et voici celle qu’on ne présente plus : la plus bath des javas .
Le technicien envoie la platine 1.
Rien ne se passe.
Surpris, il oublie d’arrêter le magnéto.
Moi je comprends le problème,  je me jette sur la platine pour l’armer et je lui crie « OK ! »
A l’antenne, on entend les 10 secondes de blanc correspondant au passage de l’amorce de la même couleur, qui continue de défiler sur le magnéto toujours en service.

Puis :
- C’était la plus bath des Javas et on continue avec El Bimbo.

Pendant ce temps, le technicien qui a réagi à mon «OK » et envoie la platine 1 : La plus bath des javas ! (C’est très clair pour moi. Si vous n’avez pas tout compris relisez le doucement !)


En plus du chef d’antenne, je commençais à me faire une sérieuse réputation auprès des techniciens !

Mais je peux toujours faire plus fort.

Le dimanche suivant, je suis en plein sommeil,  bien au chaud dans mon lit, lorsque mon subconscient entend sonner le clocher de l’église d’Auteuil, à côté de laquelle j’habite. J’ai un subconscient très fort en maths. Il compte six coups et me réveille en trombe.
« Merde ! »   Il est  6 heures du matin. Je devrais être entrain d’enlever la cassette de l’indicatif d’ouverture de la station et faire signe au journaliste de commencer les infos.
J’enfile à la hâte mes fringues de la veille qui sont encore par terre et je descends quatre à quatre mes deux étages. Je monte dans ma voiture et démarre à la Starsky et Hutch.  Je prends la voie sur berge à fond la caisse. Pendant que j’écoute les infos d’André Dumas sur mon autoradio, je gamberge : La bande de l’émission de Verchuren est dans mon placard, dont personne n’a la clé !
Je quitte les berges et j’enquille  le sous-terrain de l’Alma avec ma R5, à la même vitesse que la célèbre Mercedes de M. Henri Paul, quelques années plus tard, mais dans l’autre sens.
Arrivé à l’Alma, pour rejoindre au plus vite la rue François 1er où sont situés les studios d’Europe 1, je prends l’avenue Montaigne, à fond, en contre sens, dans la file des bus. (Mais dans le même sens que les bus)
J’y serais dans deux minutes.
Trop tard !  Les infos sont terminées.
Après l’écran pubs, j’entends Maryse :
«  Eh bien Bonjour à tous, André Verchuren est grippé et regrette de ne pas pouvoir être avec nous ce matin. Néanmoins, il nous a laissé la pile de disques qu’il souhaitait vous faire écouter. On commence tout de suite avec :  Ah ! le petit vin blanc .. »
J’arrive et il est 6h13. Mais ce n’est pas cet exploit que l’on retiendra.
Si Verchuren est resté silencieux ce dimanche matin, cela n’a pas été le cas de mon chef  le lundi.

Je me suis défendu comme j’ai pu.
Moi - « Je ne suis pas le premier à avoir une panne d’oreiller »
Lui – « Oui mais tu es le premier à dormir avec la clé du placard ! »

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