vendredi 4 janvier 2013

Bonne année 1973



Pour la deuxième année consécutive, Roger Kreicher, directeur des programmes de l’époque, me confie l’opération «Bons vœux». J’en suis d’ailleurs très surpris vu mes résultats déplorables de l’année précédente sur cette opération.


Je devais alors contacter le plus grand nombre possible de personnalités et leur faire raconter l’histoire qui les avait fait le plus rire durant l’année écoulée. Ainsi, pendant une semaine, on diffuserait leurs témoignages, tout au long de la journée, dans toutes les émissions, disséminés entre les chansons.

Je prenais rendez-vous avec des artistes et je me faisais raconter des blagues toute la journée.

Mais trop de blagues tuent les blagues, et j’avais de plus en plus de mal à rire. Je faisais un blocage. Je guettais la chute avec angoisse car ne pas rire les auraient cruellement vexés.

Ce ne sont pas les histoires les plus intelligentes ni les plus fines qui me faisaient le plus rire. Mais au contraire les plus bêtes car elles avaient des chutes vraiment inattendues. Et mon hilarité ravissait le conteur.

Un soir, on m’avait envoyé faire de la «chasse industrielle».

Je me suis retrouvé dans les coulisses de l’Olympia, pendant la Première de Stone et Charden. 
Ma mission  : Poser à un maximum de célébrités la question suivante :
"Qu'est-ce qui vous fait rire ?"


J’avais emmené avec moi un membre de ma famille pour m’aider à reconnaître les gens connus.  Je ne suis pas très physionomiste et bien souvent, je trouve certaines ressemblances à des gens, paraît-il, très dissemblables. 


Le seul que j’avais reconnu par moi-même c’était Gilbert Montagné. Il marchait d’un pas décidé au bras de son producteur. Aussitôt j’emboîtai leurs pas et j’attaquai bille en tête :



- Gilbert, c’est pour RTL, quelle est la blague qui vous a le plus fait rire cette année ? 


Son producteur me répondit  :

- Soyez gentil, tout à l’heure, car là on rentre en scène ! .







C’était vraiment pas le bon moment !
Pas physionomiste et pas psychologue pour un sou ! 

Ensuite, pendant l’entracte, j’ai poursuivi  ma collecte dans le hall à côté du bar. Carlos m’a raconté une histoire très drôle.

J’étais très fier de ma moisson.

En réécoutant la bande, le lendemain, je découvris avec effroi que rien n’est exploitable. J’avais interviewé tous ces artistes  pendant que la sonnerie  hurlait dans tout le hall, la fin de l’entracte. Conséquence, elle couvrait largement tous les témoignages et moi je me suis fait sonner aussi les cloches !



Bon, l’idée pour cette année est nettement plus simple. Les artistes doivent juste me dire :


- Bonjour, je suis Untel et je vous souhaite une très bonne année 1973.


Sauf qu’on me prévient le 23 décembre. Il me reste une  semaine et presque tous sont aux Sports d’Hiver.


Finalement, devant le peu de témoignages que j’ai réuni, RTL doit renoncer à cette opération et trouver une idée géniale de dernière minute.


J’avais pourtant fait le maximum. J’avais même obtenu un rendez-vous à Orly pour le lendemain, avec Gilbert Bécaud  qui partait pour Londres passer les fêtes de fin d’année. Ca ne s’invente pas ! Avoir rendez-vous avec Bécaud, un Dimanche à Orly !!


 Son vol était prévu pour 13h, donc nous avions  (tiens c’est drôle, nous avion  - à Orly – bon ..) fixé 12h30, à la porte d’embarquement.

J’habitais à l’époque non loin de la Porte de St Cloud, à Paris, donc tout prêt de boulevard périphérique, Je fis un rapide compte à rebours. De chez moi à Orly en temps normal, il fallait vingt minutes. Allez,  trente minutes maxi. Je pris le double comme marge de sécurité et je décidai de partir à 11h30.

Oui mais voilà, n’étions pas « en temps normal », nous étions le dimanche 24 décembre.  Quand je suis arrivé sur le périphérique, celui-ci était complètement saturé. Les voitures étaient collées pare-chocs contre pare-chocs ! Grosse montée d’adrénaline ! C’est fou le nombre de gens qui se déplacent pour fêter Noël ! 



Bon, pour me détendre un peu, j’ai décidé de réécouter ce que j’avais déjà en stock.

J’ai rembobiné la bande de mon Nagra qui me tenait compagnie sur le siège du «mort».

France Gall a été la première à me souhaiter ses bons vœux, quand subitement sa voix est devenue celle de Pavarotti !!

La vitesse de défilement de la bande avait considérablement ralenti, ce qui expliquait ce changement d’octave. Mon cerveau, lui, tournait très vite et je réalisais immédiatement que les piles du magnéto étaient mortes. Celui-ci s’arrêta net.

Il était 12h20.


J’arrivais alors à l’embranchement de l’autoroute A6, porte d’Orléans. J’avais encore un petit espoir, surtout que l’autoroute, malgré ses bas-côtés enneigés était assez dégagée. Je me suis mis sur la file de gauche et j’ai appuyé. Cela ne m’empêchait pas de gamberger. Je n’avais jamais changé de piles sur un Nagra, mais cela ne devait pas être bien compliqué. Je projetais d’aller directement à la boutique photo du 1er étage. Là, après lui avoir retiré sa sacoche de cuir,  je le mettrai sur le ventre et je l’ouvrirai. Je verrai bien à ce moment le nombre et le type de piles nécessaires  et…

Pfu, Pfu, Pfu, mais ma voiture fût soudainement prise de spasmes. Je perdis de la puissance. Je me rabattis en catastrophe sur la file du milieu, puis sur celle de droite, puis vers la bande d’arrêt d’urgence. Panne d’essence !!

Il était 12h25.



Sans réfléchir, je sortis par la portière de droite. J’enjambais le rail qui sépare le bande d’arrêt d’urgence du bas-côté. Je dévalais la pente enneigée (dommage que je n’avais pas de skis) et j’arrivais en contre bas sur une nationale. Coup de bol, il y avait une station d’essence juste en face de moi. J’y achetais un jerrican et je le remplis. Je ré-escaladais ma montagne et j’arrivais à ma voiture.

Il est 12h50 !!



Symboliquement, et de toute façon il n’y a pas d’autre sortie, je roulais jusqu’à l’aérogare. Je passais devant et repris l’autoroute vers Paris.



Mon problème n’était plus le même. :

Comment allais-je défendre l’indéfendable, le lendemain  matin ?


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