vendredi 1 mars 2013

LE JOUR OU J'AI ENREGISTRE CLOCLO



Gaston, c’est un des piliers de la station. Il y travaille depuis si longtemps qu‘il serait indécent de lui demander en quelle année il y est entré. C’est un personnage ! Physiquement, il ressemble un peu à Raymond Devos.
Il règne sans partage sur une caverne d’Ali Baba qui occupe le sous-sol du bâtiment : le magasin. Je le surnomme « Le Père Noël». C’est chez lui que sont stockés les studios en pièces détachées, les Nagras, les bandes magnétiques, les micros, bref tout ce qui est nécessaire pour faire de la radio. Finalement, le mot magasin me semble bien résumer son magasin.
C’est une forte tête, un fort en gueule mais c’est aussi un garçon charmant (Quand on le connaît). Il vaut mieux être dans ses bons papiers car on a souvent besoin de lui.
Bien que l’endroit semble bien achalandé, à chaque fois que quelqu’un lui demande quelque chose, il répond invariablement :  «Y’en n’a plus ! ». Et ça depuis toujours !
La première année que j’ai eu à le côtoyer régulièrement a été assez fatigante pour moi. J’avais les cheveux longs, comme tous les jeunes de ma génération, et une fois qu’il m’avait enfin donné ce que j’étais venu chercher, après avoir patiemment attendu qu’il trouve ce que soit-disant, «y'en avait plus », il me coursait dans son magasin, une paire de ciseaux à la main pour me couper les cheveux.
Ah !  sacré Gaston !
Un jour j’ai un rendez-vous très important avec Claude François. Cela fait déjà un bout de temps qu’on essaye de se mettre d’accord sur une date car son emploi du temps est très chargé.
Je descends voir Gaston et lui demande un Nagra.
Gaston – Y’en n’a plus !
Moi – Allez Gaston, sois sérieux, je suis hyper pressé ! »
Lui – Je te dis qu’y en a plus ! Y sont tous partis en reportage !
Moi – Et ça qu’est ce que c’est ?
Lui – Celui-là il peut pas sortir d’ici, il n’a pas encore été dédouané.
Moi – Allez Gaston, sois sympa, j’ai rendez-vous avec Clo Clo, je te le ramène dans deux heures.
Lui – Bon, OK, dans deux heures.

Et me voilà quelque instants plus tard dans le bureau de Claude, boulevard Exelmans. Je fais un super reportage. Je parviens à l’ accoucher de confidences rarissimes. Il m’avoue qu’il n’aime pas tellement ce qu’il chante et qu’il préfèrerait  chanter du Brel !!


Deux heures plus tard, content de mon boulot, je rapporte comme prévu le Nagra à Gaston.

Moi – Tu vois mon vieux, j’ai tenu parole. Des gens comme moi « y’en n’a plus ! »
Lui – C’est ça, c’est ça !

Puis je rentre chez moi. Il est, à peu près, dix neuf heures.
Soudain, effroi, je réalise que j’ai laissé la bande sur le Nagra !
J’appelle immédiatement Gaston, en priant pour qu’il soit encore là.

Gaston – Y’en n’a plus – Le Nagra il est reparti, et j’ai bien vu la bande dessus, mais j’ai cru que t’en avais pas besoin.
Moi – Merde ! C’est pas possible !
Gaston – ça mon vieux, c’est ton problème !

Je vous laisse imaginer la soirée et la nuit que j’ai passées.
Le lendemain, je cours le voir au Magasin, histoire de lui pleurer dans le gilet.
Ma bande était sur son bureau.
Sacré Gaston ! 


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