vendredi 12 avril 2013

OPERATION DRAGON



Depuis un an je travaille sur une émission hebdomadaire présentée par André Torrent : « Hit magazine spécial RTL» dont j’ai déjà parlé dans le chapitre I.
Je suis un radio-reporter au service des «variétés».
Je suis en permanence sur le terrain, interviewant tous les chanteurs de l’époque pour diverses rubriques de l’émission.
Je suis d’ailleurs à l’origine des deux d’entre elles :
Le  tube de souvenirs   :
On a tous une chanson qui est rattachée à un événement particulier de notre vie,  (ou l’inverse) c’est ce que je fais raconter, chaque semaine, à un chanteur différent. Cela nous permet de programmer cet ancien «tube» derrière.
L’autre rubrique n’a pas de nom. J’emmène chaque semaine un chanteur avec moi au cinéma, et il me fait la critique du film à la sortie de la salle.
C’est-y pas sympa comme métier ?
Je garde un très bon souvenir de la projection du film de Claude Lelouch :  « La bonne année » que j’ai vu au cinéma Le Normandie, sur les Champs-Elysées, en compagnie de mon invité de luxe Michel Delpech.
Mais j’ai fait plus spectaculaire.
Le magazine papier du même nom que l’émission décide faire monter un «coup» avec un jeune chanteur «à minette» d’origine corse : Don Marcantoni, dont le hobby est la cascade. Plus personne ne se souvient de cet artiste, même pas moi. Il a dû faire un disque et a disparu aussi vite qu’il était apparu mais au moins ce chanteur cascadeur n’a pas dû se faire mal en tombant du haut de sa pile d’invendus !
Ils veulent le photographier pendant qu’il exécute une cascade.  RTL produisant la déclinaison radio de ce journal, m’envoie sur place pour commenter l’événement.
Don Marcantoni va monter sur l’aile d’un avion en plein ciel.
Me voici donc foulant le gazon de l’aéroclub de La Ferté Allais, en Seine-et-Marne.
Mon Nagra et moi sommes les premiers sur les lieux. Je suis en train d’admirer un énorme quadri hélices, qui devait être un ancien avion de ligne.  Je continue ma promenade et retrouve Jacques Dubourg, un sympathique parachutiste, qui a déjà travaillé sur des opérations spéciales avec RTL, en train de plier sa toile. Nous bavardons quelques minutes et sommes rejoints par un petit groupe formé d’un photographe, d’un journaliste, d’un pilote, d’un producteur et du fameux chanteur-cascadeur. Nous retournons dans l’enceinte de l’aéroclub boire un café. Don Marcantoni se met torse nu et son producteur lui chauffe les muscles du torse en le massant avec un baume.
Nous sommes tous prêts et repartons sur le terrain. Après avoir dépassé le gros avion,  nous découvrons un vieux coucou en toile très marrant. C’est un biplan sur trois roues. Deux sous le ventre et une sous la queue. Cette position l’oblige à avoir toujours le nez en l’air. C’est amusant.


Je demande à Jacques Dubourg à quelle heure arrive notre avion et il me répond :
JD – Mais c’est celui-là !
Et Il me montre le coucou ?
Moi -  Quoi ?? !! – Ca vole  ça ?
JD  (en riant)  - Mais évidemment : Et bien, même. C’est un Dragon de 1933 !
Moi – Mais pourquoi vous êtes le seul à avoir un parachute ?
Nous montons dans l’appareil.
Jacques Dubourg prend place à côté du pilote. Je m’assoie au milieu de l’appareil sur un banc situé le long de la carlingue.
Nous sommes perpendiculaires au pilote. La fesse tribord plus haute que celle de babord. On doit se tenir au banc pour ne pas glisser jusque dans la queue de l’appareil.
Don Marcantoni et son producteur s’asseyent de part de d’autre de moi.
Le photographe et le journaliste s’installent sur l’autre banc, face à nous.
Le pilote fait signe à une personne extérieure de lancer l’hélice. Et c’est parti, pour le meilleur et pour le pire. Je commence mon reportage. Je décris l’intérieur du «Shaker» en hurlant dans mon micro pour couvrir le vacarme. Ca y est,  miracle,  on décolle.
Arrivé à l’altitude prévue, le pilote stabilise l’assiette de l’avion et Don Marcantoni enfile un parachute. Il est vêtu d’une veste de Jean, sur un col roulé jaune et d’un pantalon en jean également. Le pilote nous donne le feu vert. Jacques Dubourg ouvre la porte située en face de moi. Il aide le chanteur à descendre sur l’aile. Le photographe se rapproche et commence à shooter.
A présent, Don Marcantoni se tient à la barre  qui relie les deux ailes du biplan. Il a les genoux pliés comme un skieur.

Moi (dans mon micro) – Et voilà, Don Marcantoni, grâce à la force de ses bras, lutte contre la résistance qui l’oppose à l’air que nous traversons à plus de 180 km/heure. C’est fantastique !
La cascade terminée, nous retournons gentiment tous nous asseoir et il est grand temps car l’avion commence à traverser des turbulences. Je lance une boutade à  la cantonade pour faire rire la galerie, mais en vérité j’essaie de masquer la trouille qui commence à m’envahir !
J’ai l’estomac qui remonte dans chaque trou d’air, de plus en plus rapproché. Et toujours ce bruit inquiétant de carlingue qui semble se déglinguer. Je sens la nausée monter. Je dois avoir changé de couleur parce que Jacques Dubourg, l’air goguenard,  me crie
JD – Alors, c’est fini le reportage ? On t’entend plus ?
A peine a-t-il fini sa phrase que je me lève d’un bond, et debout, la tête penchée dans l’encadrement de la fenêtre restée ouverte,  je renvoie tout mon quatre heures. Mes lunettes sont aspirées et disparaissent dans le cosmos, alors Jacques me retient inextrémis par la ceinture de mon pantalon.
JD – Malheureux, il ne faut jamais se pencher par la fenêtre et être dans le sens perpendiculaire du vol. Tu provoques un appel d’air.
Au moment de me rasseoir à ma place, je croise le cascadeur qui, précipitamment, vient lui aussi me remplacer à la fenêtre, pour la même chose.
Nous sommes les deux seuls malades de l’équipe.
Le coucou bat de plus en plus de l’aile et le pilote nous annonce qu’il va se poser rapidement sur l’aéroclub qu’il a en point de mire, car l’avion a un petit problème technique, sans gravité !
Le Dragon pose enfin ses roulettes sur la terre ferme.
Finalement le pilote négocie avec La Ferté Allais, pour qu’ils nous envoient un autre avion pour nous rapatrier. Ce sera  un avion plus petit et il nous ramènera en deux fois, mais nous nous en sortirons sains et saufs !

La radio, quel métier dangereux !

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